Chambre de Castiel

Il fut évident pour la psychologue que cette simple formalité risquait d’être plus ardu qu’attendu, même avec un profil comme le sien. Visiblement, il avait décidé de l’ignorer. Ce n’était pas bien grave, même si elle était d’un tempérament plutôt enflammé, la jeune femme avait appris la patience dans le cadre professionnel. Si ce n’était que ça, elle attendrait qu’il se décide, qu’il finisse son épisode ou qu’un besoin naturel se fasse sentir et lui donne envie de coopérer pour ne pas faire s’éterniser les choses.

Finalement, il se décida à retirer ses écouteurs et à tourner vers elle un visage de marbre qui lui confirma sa première impression. Il n’allait certainement pas lui faciliter la tâche. Mais qu’importe, elle en avait vu d’autre. Elle avait fait son stage de fin d’étude dans un service juridique d’aide à l’enfance. Elle en restait encore nauséuse rien qu’à y penser tant certains des cas qu’elle avait du évaluer était tordus, pervers, voir carrément meurtriers. Il y avait longtemps qu’elle avait appris que souvent, les plus dangereux était ceux qui montrait un visage affable, presque obséquieux, alors oui, ce visage glacial et ses yeux perçant bleu acier étaient signe que les choses allaient être compliqués, mais il en fallait plus que ça pour lui faire peur.

Elle se leva et alla chercher le verre d’eau qu’il avait accepté, consciente qu’il en profitait pour l’observer, observer sa démarche, évaluer sa tension, ce n’était que pour ça qu’il avait accepté, et probablement aussi pour tenter d’instaurer une certaine hiérarchie, prendre un certain ascendant, qu’il chercha à accentuer en prolongeant une fraction de seconde de trop le trait-d’union de verre entre eux, intensifiant son regard et la gratifiant d’un sourire plus inquiétant que reconnaissant. Peut-être s’était-elle fourvoyée à son sujet. A cet instant, il semblait aussi froid et calculateur qu’un serpent évaluant la taille de la proie qu’il allait devoir gober… Et vu le sourire, il considérait visiblement la proie comme bien négligeable.

Félicia s’attendait donc à une attaque frontale. Le jeune homme ne semblait pas du genre mesquin, il était sur de lui et de son bon droit. Par contre, elle ne s’était pas attendu à un discours aussi ciblée, aussi personnelle, et surtout aussi juste. Elle fut un instant désarçonnée par la tirade de cette homme qu’elle venait de rencontrer et dont elle commençait juste à évaluer le potentiel et qui lui, semblait l’avoir cernée en une fraction de seconde. Elle resta pantoise suffisamment longtemps pour qu’il finisse son verre d’eau, et la congédie avec l’assurance d’un monarque suffisant… ou d’un gamin mal élevé remettant ses écouteurs pour reprendre le cours de la série populaire qu’il regardait sur sa tablette.

Une fraction de seconde qui permis à Castiel de recommencer à l’ignorer superbement avant que l’éclat de rire de la jeune femme ne fasse voler en éclat la quiétude et le silence de la chambre. Un rire franc et chaud, le rire de quelqu’un qui vient de se faire avoir en beauté mais qui, beau joueur accepte la défaite avec même une certaine admiration pour son adversaire.

Pendant sa carrière elle en avait vu passer des profils… les mutiques, les agressifs, les pressés, les émotifs, mais clairement, il faudrait créer une nouvelle catégorie pour ce type. En même temps, ce n’était pas vraiment une surprise, après tout, elle n’avait jamais encore eu l’occasion de rencontrer d’Alien dans son cadre professionnel. Quoi qu’il en soit, toute belle joueuse qu’elle était, et n’en déplaise à la morale un peu guindé qu’elle avait deviné dans sa dernière remarque sur sa collection, elle n’était pas du genre à se coucher aussi facilement.

Elle savait qu’il l’entendait malgré les écouteurs, après tout, il avait suffisamment entendu de sa présentation pour arriver à lui répondre de façon cohérente qu’en il s’était abaissé à daigner lui répondre.

« C’est stupéfiant ! Sur terre, vous vous feriez des couilles en or comme Médium ou en montant un spectacle de Mentaliste ! » s’exclama-t-elle, avec un nouveau rire admiratif,

Elle avait parfois eu l’occasion de rencontrer des gens « hyper-sensible » ou « hyper-empathique »… pour certains c’était un « super pouvoir » dont ils usaient et abusaient. La plupart des pervers narcissiques qu’elle avait rencontrés étaient des hyper-sensibles particulièrement douées, mais totalement dénué d’empathie, ils pouvaient instantanément deviner comment prendre l’ascendant sur leur interlocuteur, certaines études avaient montré que c’était également le cas pour la plupart des tueurs en séries et psychopathes de tout poils. Pour ceux qui avaient la malchance d’être hypersensibles et hyper empathique en même temps, c’était plutôt une malédiction. La plupart finissait par développer des phobies sociales plus ou moins handicapantes, voir pouvaient tomber carrément dans l’Agoraphobie. Il faut dire que les émotions ne sont pas toutes faciles à gérer, alors quand elles sont ressenties avec une amplitude décuplée et qu’en plus il faut apprendre à faire le tri entre les siennes et celles des autres, ça devient vite usant, voir dans certaines situation carrément insupportable psychologiquement. Pour le coup, elle aurait bien été tenté de le classer dans la première catégorie, mais heureusement, elle avait lu son dossier personnel, et surtout, elle savait plus ou moins ce qui s’était passé cette nuit là. Elle savait qu’il avait veillé sur Déa, et que sans lui, la jeune biologiste ne serait pas revenue vivante de cette aventure, et ça, ce n’était clairement pas le comportement d’un pervers narcissique qui l’aurait plutôt abandonné pour sauver sa peau. Elle penchait plus pour un système de défense, il lançait les hostilités de façon très agressive, très perturbantes en espérant pouvoir éviter une situation qui lui déplaisait. Il devait y avoir des ombres dans le passé de cet homme, des ombres profondément enfouies qu’il redoutait de remuer. Elle était bien placée pour le comprendre, elle aussi avait ses fantômes, et elle aussi avait utilisé se genre de technique, et l’utilisait encore parfois.

« Vous avez parfaitement raison. Les personnes qui font mon travail ont souvent besoin de commencer par balayer devant leur porte. Il faut bien avoir un grain pour décider d’aller gratter dans les souvenirs traumatisants des autres. » Commença-t-elle d’une voix calme et douce, mais où l’amusement pointait encore « Si j’ai choisi cette profession c’est parce que j’avais déjà une très longue expérience des psy, je dois même avouer que j’en ai épuisé plus d’un durant mon enfance chaotique. J’en ai eu marre d’être sur le divan, j’ai voulu voir ce que ça faisait d’être sur le fauteuil. » expliqua-t-elle en se levant et en remettant le tabouret à sa place.

« Pour ce qui est de ma personnalité, vous avez raison aussi. J’ai appris il y a longtemps qu’on ne vit pas forcément plus vieux en étant sérieux, c’est juste que le temps paraît plus long. Alors, oui, je suis du genre à vivre au jour le jour « Carpe Diem » comme le dit une locution latine, et je trouve que les collections de timbres sont non seulement ennuyeuses mais également un peu encombrantes quand on déménage souvent. Les souvenirs légers, par contre, ne prennent pas beaucoup de places et son toujours agréables à feuilleter en période grise. » confirma-t-elle en lui lançant un clin d’œil avant de se pencher légèrement vers lui. « On a tous nos fantômes, nos parts d'ombres et nos blessures. Et vous Castiel, avez vous quelques souvenirs légers et lumineux pour compenser ceux qui vous plombent  ? » mumura-t-elle à son oreille avant de se relever et de récupérer son carnet et son crayon sur la chaise.

« Je ne vous proposais pas une thérapie, il est clair que dans votre cas, les années qui me restent à vivre ne suffiraient pas à ne serait-ce qu’effleurer la surface, et ce même si vous étiez consentant. Je n’étais là que pour une simple évaluation de routine, mais je vais quand même vous donner un conseil, dont vous ferez ce que vous voudrez. » dit-elle en lui offrant un sourire espiègle et un clin d’œil « Ne prenez pas la vie trop au sérieux Castiel. De toute façon vous n’en sortirez pas vivant. » conclut-elle en se retournant, le saluant d’un geste de la main par dessus son épaule.

Arrivé à mi-chemin de la porte, elle se retourna, comme si elle venait de se rappeler d’un détail important.

« Ah, oui… Quand vous en aurez marre de tourner en rond entre les murs de la cité et que vous voudrez reprendre les explorations, faites-moi signe… On remplira ce foutu questionnaire et ça sera réglé. »

Elle ouvrit la porte et sortit avant de la refermer doucement… Pour la rouvrir presque aussi sec et passer sa tête enflammé dans entrebâillement.

« Vous ferrez, la saison suivante, est encore plus trash que celle que vous êtes en train de regarder. »

Castiel pensait l'avoir mouchardé, coiffé au poteau et dans un sens il n'en n'avait rien à faire des pseudo état d'âme de la jeune. Il avait fait ceci pour être tranquille et malgré tout l'Enokien était resté courtois.. Ses dons pouvaient bien être pratique maintenant qu'il arrivait à les contrôler. Cela n'avait pas toujours été le cas et plusieurs fois il avait cru devenir fou en ressentant les émotions de tous ceux l'entourant, mais ceci remontait à son adolescence. Il n'eut qu'un haussement de sourcil face à sa tablette lorsqu'elle eut un rire désabusé et qu'elle lui annonça qu'il se ferait des "couilles en or"... qu'est-ce que cela voulait dire. Il corrigeait ses lacunes "d'expression" avec le temps et à force de côtoyer les terriens, mais ce n'était pas encore ça apparemment. Castiel visualisait ceci au 1er degrés. Soit. Ce n'était pas le moment de demander, surtout pas après sa tirade. Non pour le coup, il continua d'être nonchalant à souhait et complétement imperméable à la présence de la médecin.

Citation :

« Vous avez parfaitement raison. Les personnes qui font mon travail ont souvent besoin de commencer par balayer devant leur porte. Il faut bien avoir un grain pour décider d’aller gratter dans les souvenirs traumatisants des autres. »

Là-dessus Castiel n'allait rien redire.. mais il devait s'avouer que c'était bien la 1er fois qu'il échangeait ainsi avec une "psy". D'habitude et pour ceux qu'il avait croisé sur la Cité, c'était bien souvent des personnes perchées en haut de leur piedestal... Ecoutant sans écouter, faisant semblant d'être peiné par la douleur des autres, abreuvant de conseil plus facile à dire qu'à réaliser.. Comment pouvait-il aider quelqu'un dans le besoin ainsi.. Castiel ne pouvait pas être psychologue, mais il était très présent pour sa famille de coeur.. et c'était déjà très bien d'apporter sa clairvoyance sur certain sujet lorsqu'ils en avaient besoin. Si la rouquine avait creusé davantage sur sa personne, en questionnant son entourage proche, elle s'en serait bien rendu compte. Néanmoins sa position d' "enjoué/amusé" et ce, même après sa longue tirade tranchante, le fit rester quelque peu pantois. Elle n'était pas le stéréotype de la psychologue énonçait ci-dessus. En tout cas il y avait quelque chose chez elle de différent. A voir si notre Enokien allait creuser par la suite.

Citation :

Si j’ai choisi cette profession c’est parce que j’avais déjà une très longue expérience des psy, je dois même avouer que j’en ai épuisé plus d’un durant mon enfance chaotique. J’en ai eu marre d’être sur le divan, j’ai voulu voir ce que ça faisait d’être sur le fauteuil. Pour ce qui est de ma personnalité, vous avez raison aussi.... les collections de timbres sont non seulement ennuyeuses mais également un peu encombrantes quand on déménage souvent. Les souvenirs légers, par contre, ne prennent pas beaucoup de places et son toujours agréables à feuilleter en période grise. »

Il roula des yeux lorsqu'elle confirma "s'amuser" et prendre du bon temps régulièrement.. bien sûr que c'était vrai, sinon il ne l'aurait pas dit.. par contre Castiel avait joué avec le feu car ses propres répliques cinglantes se retournèrent sur lui, lorsque cette dernière se pencha vers lui en lui soufflant à l'oreille à travers l'écouteur:

Citation :

« On a tous nos fantômes, nos parts d'ombres et nos blessures. Et vous Castiel, avez vous quelques souvenirs légers et lumineux pour compenser ceux qui vous plombent ? »

Castiel se crispa.. S'il avait été un peu inconvenant en allant sur ce terrain, cette dernière semblait s'en amuser également.. Sauf que l'Enokien n'était pas paré à ce type d'attaque "de front". Il ravala sa salive en mettant en pause l'épisode et de tourner légèrement la tête vers elle, l'air dépité.



Si elle était bonne observatrice, elle constaterait facilement que soit l'Enokien était quelqu'un d'assez réservé qui n'allait pas sur ce genre de cancans, soit qu'il était coincé. Malheureusement au vu de sa réputation, elle allait vite se faire une idée. Cas' tenta de reprendre un visage sans émotion, mais son conseil sur le fait qu'il ne fallait pas être trop sérieux dans la vie au risque de louper certaine chose, lui fit pousser un soupir. Il remit le son de sa tablette en l'augmentant à fond. Malgré ça, il avait une très bonne ouïe et ne put éviter de continuer d'entendre de "loin" la longue tirade que cette rouquine piplette avait à dire. Ses doigts agrippèrent plus férocement le contour de la tablette en plastique lorsqu'il crut comprendre que le fait de sortir de la Cité serait contraint à accord de cette jeune femme. Jamais il n'avait eu ce genre de problème auparavant. Pourquoi diable cela changerait-il ? Il avait besoin de sortir de la Cité asse régulièrement pour ne pas tourner dedans comme un lion en cage.. L'émotion 1er qui vint l'envahir fut l'agacement doublé d'une certaine colère.



Mais que cela ne tienne, il trouverait bien une supercherie pour esquiver cela.

**Laisse tombé, cette nouvelle à l'air d'avoir un sacré tempérament, on ne l'évince pas comme cela
- nous verrons bien
- Cas' c'est un entretien de routine, pas une thérapie.. zeeeenn.. c'est toi le pro de la méditation, et ton conseil sur quoi il ne faut pas se fier à ses 1er impression serait mal venu si tu n'appliquais pas tes dires..
- Kylee ou Noah régleront ça
- ils ne seront pas toujours là, sale gosse...**

Alors qu'il pensait être tranquille, cette dernière fit irruption à nouveau pour commenter sa série, avant de quitter la pièce à nouveau. Castiel poussa un long et las soupir avant de fermer l'épisode. Il était dégouté et pour l'heure, il avait besoin de penser à autre chose. Il se mit donc sur l'application de l'infirmerie pour continuer son travail d'herboriste...

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Quelques jours plus tard, l'Enokien était enfin remis sur pied. Kylee lui avait fait un dernier examen et lui avait rendu sa liberté dans l'après-midi. Ce n'était pas trop tôt ! Il allait pouvoir se dégourdir les jambes. Alors qu'il portait son sac par dessus son épaule. Il croisa au loin une chevelure de feu qu'il aurait reconnu entre mille. Le Dr Winchester... Il bifurqua donc et lui offrit un large sourire.. bien trop beau pour être polie et vrai.. Personne ne lui avait restreint sa liberté jusqu'à maintenant et ce n'était pas maintenant que cela allait commencer. Castiel avait une nouvelle "ennemie" dans sa ligne de mire.